VIVRE EN CLÉ D'OFFRANDE
Enrique Martínez LozanoEvangile de Marc 10, 35-45
En ce temps-là, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s'approchent de Jésus et lui disent: "Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander".Il leur dit: "Que voulez-vous que je fasse pour vous?" Ils lui dirent: "Accorde-nous de siéger dans ta gloire l' à ta droite et l'autre à ta gauche." Jésus leur dit: "Vous en savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé?" Ils lui dirent: "Nous pouvons." Jésus leur dit: "La coupe que je vais boire, vous la boirez, et du baptême dont e vais être baptisé, vous serez baptisés. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il en m'appartient pas de l'accorder: ce sera donnné à ceux pour qui cela est préparé." Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s'indigner contre Jacques et Jean. Jásu les appela et leur dit: "Vous le savez, ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tiennentsous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n'en est pas ainsiparmi vous. Au contraire, si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur. Et si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous. Car le Fils de l'homme est venu non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude."
Les auteurs de l'évangile –et Marc tout particulièrement- insistent à montrer les contraste radicale entre Jésus et ses disciples, en ce qui concerne l'attitude de fond face à la Vie.
Pour le maître, la Vie est offrande qui s'exprime comme service; les disciples, par contre, semblent réduire l'existence à une question d'autoaffirmation de son propre je, ils se trouvent donc souvent plongés en appétences de pouvoir.
D'une certaine manière, les deux attitudes manifestent les deux styles dans lesquels nous pouvons nous situer face à l'existence: en clé d'offrande ou en clé de voracité.
Au premier, la personne –c'est le cas de Jésus- il se perçoit comme "canal" o "voie", à travers lequel la Vie-même coule, le Réel qui s'exprime et qui, en même temps, constitue notre identité la plus profonde. Jésus vit dans la conscience claire du "Je Suis" universel, et c'est cette réalité dernière qui se manifeste à travers sa personnalité concrète.
Ce couler est possible lorsqu'il n'y a pas d'appropriation, c'est à dire, lorsque l'égo ne s'autoaffirme pas comme s'il constituait notre vraie identité. À chaque fois que cela arrive, l'égo devient, dans la pratique, un "noeud" qui bloque la circulation de la Vie: d'être voie passe à être vide sans fond qui dévore tout ce qui se trouve à sa portée.
La voracité n'est sinon expresion de ce même vide que la personne, d'une manière si inconsciente qu'impulsive, essaye de compenser, comme moyen de soualger l'anxiété qui lui devient insupportable.
Passer de la voracité à l'offrande, du narcissisme à la gratuité, de l'ignorance à la compréhension, de la souffrance à la libération..., cela réquiert un double travail: psychologique et spirituel.
D'un côté, un travail psychologique sur le propre vide affectif ou émotionnel semble inexcusable, de manière à pouvoir croître en liberté intérieure. A moins d'intensité de vide, moins d'anxiété et moins besoin de vivre d'un mode égocentré, qui cherche à compenser le manque de fond.
Mais, d'un autre côté, et plus de fond, il est nécessaire un travail spirituel, qui nous permette d'accéder et de nous vivre en relation avec notre identité la plus profonde, qui n'est pas le je, toujours en manque, qui vit tournant autour de soi-même, ses peurs et ses besoins.
Avec cela, nous revenons sur la question de toujours, la seule question où toute notre Vie est en jeu: "qui suis-je?".
Le mistique chrétien du XVII siècle Angelus Silesius disait: "Je ne sais pas qui je suis. Je ne suis pas ce que je sais".
Pour répondre adéquatement à cette question, nous avons besoin de "laisser tomber" tout ce que nous pouvons observer ("ce que je sais"), car tout cela en sont que des "objects", mais jamais notre identité dernière. En "lâchant" tout cela, ce qui reste est ce que je suis. Et ce qui reste es Quiétude, Conscience, Présence, Sujet Pur, Je Suis, "rien" que notre esprit puisse penser ou "savoir"...
Ce que je suis est illimité, atemporel. Et me libèr de l'esclavage du je. Je peux laisser de vivre pour ce je avec lequel j'étais identifié et, simplement, permettre que la Vie s'exprime à travers moi, tel que nous voyions qu'il arrivait en Jésus.
Nous libérer de l'identification avec le je est la condition pour échapper de sa tyrannie et nous situer dans la liberté et la équanimité. Parce que, en dessous de toutes "vagues" mentales o emotionnelles, ce que je suis est toujours sauf. L'égocentrisme et la souffrance terminent parce que l'identification avec le je et ses exigences protagnoniques disparaissent.
Soudain, je découvre que je ne suis pas "quelqu'un" séparé pour qui avoir à vivre. Je me rends compte qu'en réalité, il n'y a "personne" à la maison.
C'est ce qu'écrivait, au XVII siècle aussi, le mistique espagnol Miguel de Molinos: "Le chemin pour arriver au suprême bien, à notre première origine et et suprême paix, c'est le néant... Nous nous cherchons nous-mêmes à chaque fois que nous sortons du néant, c'est pourquoi nous n'arrivons jamais à la calme et parfaite contemplation. Rentre dans la vérité de ton néant et tu en t'inquiéteras pour rien... Oh! Quel trésor tu y trouvers si tu fais du néant ta demeure!... Si tu es enfermé dans le néant, là où les coups de l'adversité n'y arrivent pas, rien en te fera de la peine, rien en t'inquiétera. C'est par ici que tu dois parvenir au seigneuriage de toi-même, parce que ce n'est que dans le néant que règne la parfaite et vraie maîtrisse de soi".
Notre identité es néant: néant qui soit object mental; néant, qui est Plénitude. Quelque chose qui en peut être pensée, mais seulement être. Ce n'est que dans la mesure où nous vivons en relation avec lui, qu'apparaîtront la compréhension et la liberté.
Imagine que, dans une rivière abondante, duex petits bateaux naviguent. Â un moment donné, à cause de la force du courrant même del'eau, ils entrent en collision.
Imagine encore trois possibles scènes: à la première, les deux bateaux sont vides; à la deuxième, seul dans l'un d'eux il y a de batelier; et à la troisième, les deux bateaux sont pilotés par leur propriétaire. Qu'est-ce qui pourrait arriver en chacun des ces trois cas?
Sans doute, au premier cas, il n'y aurait qu'une collision: tout y serait terminé. Au deuxième, il est probable que l'unique batelier s'autoreprocherait ou se culpabiliserait de ce qui est arrivé, et il l'attribuerait à son impéritie ou à sa distraction, cela créerait donc de la souffrance et de la confusion. Au troisième cas, enfin, il ne serait pas étonnant qu'il se produisse un bagarre, acompagné de reproches et des discalifications, où chacun accusserait l'autre de ce qui est arrivé.
Ce dernier c'est ce qui arrive lorsque nous croyons être "quelqu'un" séparé. La réalité, cependant, est que le bateau est "vide". Nous ne sommes rien qui puisse être perçu comme séparé du reste. La nôtre est une identité partagée, qui se trouve sauve de "collisions" et des vagues.
Enrique Martínez Lozano
Traducteur: María Ortega