TRANSCENDRE LE PERSONALISME
Enrique Martínez LozanoMc 9, 2-10
Le terme «trans-figuration» se réfère à ce qui est «au-delà» de la figure, au-delà de la forme, au-delà même de la «personne».
En ce qui a été le processus d'évolution de la conscience et, en son sein, de l'espèce humaine, la «personnalisation» a constitué un moment décisif: avec l'essor de l'étape rationnelle, le «je personnel» occupait au fur et à mesure le centre de toute la scène, au point de sembler qu'il n'existait d'autre valeur au-dessus de la «personne».
Le soi-disant «personnalisme», aussi bien dans le domaine philosophique que le théologique, a essayé de mettre en évidence et de baser les valeurs dérivées de cette nouvelle compréhension, avec toutes ses implications éthiques.
Dans le domaine religieux, comme l'on pouvait s'y attendre, la divinité a aussi été «personnalisée», au point que, encore aujourd'hui, beaucoup de personnes religieuses ne se trouvent pas à l'aise ou protestent furieusement lorsqu'on remet en question le caractère «personnel» de Dieu. Pour un bon nombre de théologiens, même parmi ceux qui ont contribué le plus au progrès de la théologie, l'idée d'un Dieu «personnel» est une limite infranchissable.
Qu'en dire de tout cela? Karen Armstrong, renommée par ses études des religions, a écrit: «Le Dieu personnel reflète une intuition religieuse importante: que les valeurs les plus élevées ne sont que des valeurs humaines ... Le personnalisme a été une étape importante et – pour beaucoup - indispensable de l'évolution religieuse et morale». Or, «un Dieu personnel peut devenir un lourd fardeau. Il peut être une simple idole sculptée à notre propre image, une projection de nos besoins, nos craintes et nos désirs ... Un Dieu personnel peut être devenir dangereux».
Dans un sens plus large, on pourrait affirmer que, tout en reconnaissant le rôle important joué par le «personnalisme» dans le processus de l'évolution de la conscience, la simple prétention de l'absolutiser révèle l'ignorance.
Parce que la «personne» n'est qu'une forme que la Conscience prend. Et l'identification avec elle nous réduit à ce que nous ne sommes pas, nous enfermant dans l'erreur la plus radicale, qui consiste à nous nous croire nous –mêmes des êtres séparés circonscrits à notre corps et à notre esprit. La réalité c'est qu'il n'y a pas des «personnes» -quant à des êtres séparés et prétendument indépendants-, mais seulement Conscience qui agit. C'est pourquoi, le «personnalisme» commence à être transcendé (dépassé) dans la conscience transpersonnelle, dans tous les domaines précités. Comme sa propre étymologie (prosopon = masque) l'indique, la «personne» n'est qu'un «rôle» que la Conscience adopte dans ce scénario de formes.
Les implications religieuses semblent claires: si notre identité n'est pas la «personne» que notre esprit pense, mais que cen'est qu'un «masque» de ce que nous sommes, comment osons-nous affirmer que le plus élevé qu'on peut dire à propos de Dieu c'est qu'il soit «personne»?
Je ne nie pas qu'une personne puisse vivre une relation «personnelle» avec Dieu (d'un «je» à un «tu»), mais dès la lucidité de ne pas l'absolutiser. En cette forme, nous sommes des êtres relationnels, mais il serait important de ne pas oublier notre identité ultime.
Dés ce point de vue, le récit appelé de la «transfiguration» vient nous dire que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, et nous-mêmes nous ne nous réduisons pas à «l'apparence» («personne») que nos sens et notre esprit perçoivent ...
Enrique Martínez Lozano
Traducción: María Ortega