L'AVENT DU SOMMET CLIMATIQUE
José ArregiCe dernier dimanche, les chrétiens, nous avons inauguré le temps liturgique que l'on dénomme Avent ou « venue » qui se prolonge jusqu'à la Nativité ou « naissance ». Et, simple et heureuse coïncidence, ce même jour a été inauguré à Paris – en état d'alerte extrême à cause des récents attentats – le XXIe Sommet sur le Changement Climatique : 195 chefs d'État du monde entier se sont réunis dans le but de trouver un point d'inflexion. L'alerte est extrême. L'Avent presse.
C'est le vingt et unième Sommet. Qu'ont-ils donc fait lors des vingt précédents, depuis cette première réunion internationale à Berlin, en 1995 ? À vrai dire, pas grand chose. Cela aurait pu être pire ? Certes, mais, piètre consolation pour qui sait, comme nous le savons, que la situation est mauvaise et qu'il est très probable qu'elle va empirer. Cela nous fait peur de penser que lors de ce Sommet, une fois de plus, l'on ne parvienne pas à faire le pas décisif, que tout finisse en une nouvelle déclaration de bonnes intentions, sans aucun engagement contraignant, comme cela fut le cas au sommet de Kyoto en 1997 ou celui de Copenhague en 2009, que les intérêts particuliers de certains états et de nombreuses entreprises multinationales prévalent sur ceux de nous tous. Cela nous fait peur de penser que nous sommes incapables d'élargir notre horizon ou de nous libérer de nos craintes, et que nous continuons d'avancer inconscients vers l'anéantissement de la planète, de même qu'en faisant succéder les mesures de sécurité les unes après les autres, nous aggravons la terreur globale et la guerre sans fin. Ils ne peuvent pas, nous ne pouvons pas le permettre. Heureusement que la société civile est mobilisée, qu'elle est bien plus civilisée que ceux qui la dirigent moyennant de substantiels émoluments.
Néanmoins, nous avons avancé quelque peu. En effet, il y a à peine 20 ans, les avertissements sur le changement climatique était l'affaire d'écologistes romantiques et de pseudo-scientifiques alarmistes. Aujourd'hui, personne ne met en question que la Terre est en train de se réchauffer, que presque tous les mois la température globale bat des records, que glaces et neiges fondent à vue d'œil, que les mers s'acidifient et que leur niveau monte, que le climat est en train de faire des ravages en provoquant des épisodes de froid et de chaleur extrêmes, des pluies et des sécheresses exceptionnelles. Certes, il est vrai que le climat change sans cesse et que les facteurs qui influent en cela sont multiples, mais cela ne peut nous servir d'excuse. De nombreuses études scientifiques montrent que la très grave accélération du changement climatique est provoquée en grande partie par l'être humain, à cause de l'utilisation industrielle de combustibles fossiles. Nous sommes les plus grands responsables de la situation actuelle.
Nous n'avons pris la situation au sérieux que lorsque l'eau nous est parvenue jusqu'au cou. C'est le cas de le dire, car des territoires où habitent 400 millions de personnes, comme le sud du Bangladesh, seront submergés par la mer, et les plus pauvres, comme toujours, subiront les conséquences les plus graves. Et parmi les plus pauvres se trouvent, non seulement des êtres humains, mais également d'innombrables êtres vivants d'autres espèces. Qui a dit que nous sommes les maîtres de la Création, le centre, le sommet, le comble de l'évolution de la vie, et que tous les êtres, des baleines jusqu'aux bactéries, sont à notre service ?
Il nous incombe d'arrêter cette course suicide et d'éluder la catastrophe totale. Elle est en marche, mais nous pouvons encore mitiger les dégâts. L'Avent d'un autre futur pour la vie est entre nos mains, et nous connaissons la condition sine qua non pour éviter cette catastrophe, à savoir, empêcher que la température de la Terre ne monte plus de 2 degrés ou même de 1,5 degrés, avant la fin de ce siècle. Or, les rapports présentés au Sommet de Paris laissent prévoir qu'elle peut monter de 3 degrés, voire de 4. La clé est, comme pour presque tout, dans la position qu'adopteront les USA. Et la Chine, qui cherche à lui disputer son hégémonie. Et la Russie, l'Inde et le Brésil, qui sont déterminés à ne pas être en reste. Et l'Europe...L'Europe existe-t-elle ? Sait-elle vraiment ce qu'elle veut ou ce qu'elle doit faire ? La loi de la force, la logique de l'économie du gain qui tue bien plus que tous les terroristes ensemble s'impose partout. Personne ne veut perdre et nous courons tous vers le même abîme. Nous sommes déjà en train de nous y précipiter.
La croissance soutenable n'est plus suffisante. Une décroissance soutenable s'impose. Et cela ne sera possible qu'à condition de changer notre regard et notre sensibilité, à condition d'agir envers toutes les autres créatures comme des sœurs et des frères, à condition de nous convertir à une écologie intégrale et profonde.
Alors seulement, l'Avent sera une réalité, un temps nouveau adviendra et les lumières de nos rues et les cadeaux de Noël auront un sens.
José Arregi
Traduit de l'espagnol par Edurne Alegria